Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aveugle pendant que je serai aux champs. Tu auras soin qu’il n’aille pas tomber dans l’abîme. » Et ces deux enfants ne se quittaient plus.

VI.

Ça me faisait honte et peine de voir tant de travail, tant de misère et tant de bouches a la maison. Je me sentais déjà courageux et fort. Je dis à ma mère Le champ de seigle est maigre, les châtaigniers n’ont guère de chatons cette année donnez-moi les outils de mon père. Elle me les donna en pleurant de les revoir. Je descendis aux hameaux d’en bas, et je dis : Qui est-ce qui veut que je tire de la pierre pour lui ? Je travaillerai rien que pour mon pain. — Quelques-uns me dirent : Va à la carrière, nous verrons si tu vaux ton pain. Je commençai à travailler pour l’un et pour l’autre. Afin de prolonger mes journées, je couchais sous quelques planches qu’on m’avait prêtées pour m’échafauder contre le rocher, ou bien dans l’écurie, dans la crèche des bœufs. Je ne remontais que le samedi soir aux Huttes, et je rapportais à ma mère le peu