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cuire la soupe, mener Gratien par la main et donner encore à téter à la petite. Ajoutez qu’à ce moment, pour comble de misère, la fièvre prit dans les Huttes et emporta le rémouleur, sa femme et ses enfants. Il ne resta rien chez lui qu’une de ses filles du même âge à peu près que moi qu’on appelait Denise. Le coquetier, effrayé par la maladie qui avait ravagé les Huttes, démolit sa maison pour emporter les planches et les tuiles, et alla se rebâtir une chambre avec une boutique auprès de l’église, sur le bord du chemin du village, où le commerce allait mieux. On ne pouvait pas laisser une enfant de onze à douze ans toute seule auprès du foyer de ses parents morts. Ma mère alla la chercher et l’amena auprès de nous à la maison. La maison vide du rémouleur devint la demeure des hirondelles et des lézards. Elle s’écroula hiver par hiver comme vous l’avez vue. Denise y allait seulement quelquefois, les dimanches d’été, s’asseoir sous le cognassier ou cueillir les grains rouges du houx, qu’elle appelait les colliers de sa mère, et pleurer sur le pas de la porte où personne n’entrait ni ne sortait plus. Gratien la suivait toujours ; car ma mère avait dit à Denise : « Je te donne en garde le petit