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IV.

Un malheur arriva à la maison justement à cause de la trop grande bonté de notre père. Un jour, mon frère, qui était plus âgé d’un an que moi, était descendu à la carrière. C’était l’automne, il faisait froid. Le pauvre enfant avait allumé un petit feu de fougères sèches pour chauffer ses petites mains contre la flamme. Mon père lui dit : Prends garde, Gratien, de ne pas toucher à une poussière noire qui est là dans un papier auprès de mon carnier ; elle saute aux yeux quand on l’approche du feu. Mais le pauvre enfant, qui n’était jamais grondé, voulut voir comment cette poussière noire sautait aux yeux. Il alla en prendre une pleine main pendant que mon père ne faisait plus attention à son petit, tout occupé de son ouvrage. Il la jeta sur le brasier ; la poudre lança une grande flamme et l’aveugla. Depuis ce temps, Gratien n’y voyait plus pour se conduire. Ses yeux étaient clairs et beaux tout de même. La poudre ne lui avait brûlé que la vue. Vous ne l’auriez pas dit aveugle, mais il n’y