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voit des sépultures, on peut bien dire qu’il y a eu des hommes et des femmes. Cet enclos était autrefois le cimetière des Huttes. On l’avait choisi parce que c’est le seul endroit de la montagne où la terre a assez de profondeur pour couvrir une bière. D’ailleurs, on ne la creusait pas souvent, puisqu’il n’y avait que trois maisons qui ne faisaient qu’une famille. Tous les dix ou quinze ans peut-être, on y couchait un vieillard ou un enfant des Huttes. On cultivait tout alentour, en respectant seulement la motte de terre du dernier couché, comme dans nos cabanes on met le berceau à côté du lit. J’ai entendu mon grand-père raconter bien des fois comment il avait vu, dans son enfance, bâtir la grosse croix avec ces trois pierres que trente hommes d’à présent ne placeraient pas les unes sur les autres. Ils trouvèrent la première plantée telle que la voilà dans la terre, comme le tronc d’un châtaignier sans tête, de mille ans, cassé par le vent à la naissance des branches. On ne sait pas si c’est un os de la terre qui a percé la peau, ou bien si c’est une roche qui s’est fait un trou profond à cette place en tombant elle même du haut de cette crête. Ça leur a donné l’idée d’en mettre une en travers sur celle-là, et puis une autre