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vous a enfantés ? N’est-il pas vrai, monsieur ? N’est-ce pas un peu de cela qu’on nomme dans la langue des villes le patriotisme ? N’est-ce pas aussi pour cela que les hommes vont en pèlerinage dans des lieux bien éloignés pour visiter la terre où ont vécu autrefois des hommes plus grands qu’eux, des noms plus fameux ou plus saints que les autres, et pour baiser la poussière de leurs pas sur le sol des montagnes qui les ont portés ? Excusez-moi, monsieur, je parle comme un ignorant ; mais vous me demandez ce que je pense, il faut bien vous le dire.

Eh bien, il y a des moments, les dimanches dans la saison, où, couché au soleil, sur cette terre qui sent et semble me rendre les battements de mon cœur, embrassant de mes deux mains des poignées d’herbe, le visage tout enseveli dans les mauves et dans les trèfles de ce petit enclos, au bourdonnement de ces milliers d’insectes dans mes oreilles, au souffle de cette foule de petites fleurs invisibles du printemps dans les mousses, je sens des frissons de vie et de mort sur tout mon corps, comme si le bon Dieu m’avait réellement touché du bout d’un de ces rayons de son soleil ; comme si mon père, ma mère, mes sœurs, et tous ceux et toutes celles que j’ai ai-