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mal, parce que je vois en eux l’œuvre du bon Dieu, qu’il n’est pas permis de briser en vain.

Ça vous fait rire, monsieur ; mais si vous voyiez, quand nous sommes seuls, comme nous nous parlons, et comme nous nous comprenons de la voix et du regard ! Comme ces chèvres couchées à mes pieds plongent leurs regards profonds et pensifs dans les miens Comme ce chien est à la fois doux et sévère pour elles, en les surveillant pendant mon absence et en jappant sans leur faire de mal pour les empêcher de franchir le mur de l’enclos ! Comme ces abeilles me caressent le visage et les mains de leurs pattes de velours sans jamais me piquer, quand je manie leurs essaims ou que je me couche le dimanche sur l’herbe de leur table, ainsi que nous voilà ! Comme ces lapins suivent le soir le chien qui les ramène à la hutte ! Comme ces lézards frétillent gentiment jusque sur mes bras et mon cou, et lèvent leurs petites têtes vers mes yeux pour regarder si je me fâche quand ils mangent mon pain ! Si vous entendiez nos conversations le soir dans la hutte, quand le chien, les chevreaux et les brebis jouent amicalement entre eux et avec moi comme pour nous désennuyer ensemble ! Si vous voyiez ces têtes con-