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et en soupçonnant le motif, il s’était élancé à sa poursuite sur la route de Varennes, sûr de l’atteindre et résolu de le tuer. Il le suivait en effet à vue, mais toujours à distance, pour ne pas exciter ses soupçons et pour l’approcher insensiblement et le joindre enfin dans un moment favorable et dans un endroit isolé de la route. Drouet, qui s’était retourné plusieurs fois pour voir s’il n’était pas poursuivi, avait aperçu ce cavalier et compris ce manége ; né dans le pays et en connaissant tous les sentiers, il se jette tout à coup hors de la route à travers champs, et, à la faveur d’un bois où il s’enfonce avec son cheval, il échappe à la vue du maréchal des logis et poursuit à toute bride sa course sur Varennes.

Arrivé à Clermont, le roi est reconnu par le comte Charles de Damas, qui l’attendait à la tête de deux escadrons de dragons. Sans mettre obstacle au départ des voitures, la municipalité de Clermont, en proie à de vagues soupçons par le séjour prolongé de ces troupes, ordonne aux dragons de ne pas marcher. Ils obéissent au peuple. Le comte de Damas, abandonné de ses soldats, trouve moyen de s’évader avec un sous-officier et deux dragons seulement, et galope vers Varennes à quelque distance du roi : trop faible ou trop tardif secours.

La famille royale, enfermée dans la berline et voyant que rien ne mettait obstacle à sa marche, ignorait ces sinistres incidents. Il était onze heures et demie du soir quand les voitures arrivèrent aux premières maisons de la petite ville de Varennes. Tout dormait ou semblait dormir, tout était désert et silencieux. On se rappelle que Varennes n’étant pas sur la ligne de poste de Châlons à Montmédy, le roi ne devait pas y trouver de chevaux. Il avait été convenu