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voitures royales au signalement qu’on lui en avait remis. Il voulut faire monter sa troupe à cheval pour suivre le roi ; mais les gardes nationales de Sainte-Menehould, rapidement instruites par une rumeur sourde de la ressemblance des voyageurs avec les portraits de la famille royale, enveloppèrent la caserne, fermèrent la porte des écuries et s’opposèrent au départ des dragons. Pendant ce mouvement rapide et instinctif du peuple, le fils du maître de poste sellait son meilleur cheval et partait à toute bride pour devancer à Varennes l’arrivée des voitures, dénoncer ses soupçons à la municipalité de cette ville, et provoquer les patriotes à l’arrestation du monarque. Pendant que cet homme galopait sur la route de Varennes, le roi, dont il portait la destinée, poursuivait, sans défiance, sa course vers cette même ville. Drouet était sûr de devancer le roi, car la grande route de Sainte-Menehould à Varennes décrit un angle considérable et va passer par Clermont, où se trouve un relais intermédiaire, tandis que le chemin direct, tracé seulement pour les piétons et les cavaliers, évite Clermont, aboutit directement à Varennes et accourcit ainsi de quatre lieues la distance entre cette ville et Sainte-Menehould. Drouet avait donc des heures devant lui, et la perte courait plus vite que le salut. Cependant, par un étrange enchevêtrement du sort, la mort courait aussi derrière Drouet et menaçait à son insu les jours de cet homme, pendant que lui-même menaçait, à l’insu du roi, les jours de son souverain.

Un maréchal des logis des dragons enfermés dans la caserne de Sainte-Menehould avait seul trouvé moyen de monter à cheval et d’échapper à la surveillance du peuple. Instruit par son commandant du départ précipité de Drouet,