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communiquer ses craintes sur ce qu’il venait d’apprendre des dispositions que le roi faisait pour s’enfuir. Ils courent à l’instant réveiller leurs voisins, et bientôt assemblés, au nombre d’une trentaine, ils se rendent chez M. de La Fayette, et lui annoncent que le roi va partir ; ils le somment de prendre immédiatement des mesures pour s’y opposer. M. de La Fayette se mit à rire, et leur recommanda de retourner tranquillement chez eux. Pour n’être pas arrêtés en se retirant, ils lui demandent le mot d’ordre ; il le leur donne. Lorsqu’ils ont le mot d’ordre, ils se portent aux Tuileries, où ils n’aperçoivent aucun mouvement, si ce n’est un grand nombre de cochers de fiacre qui boivent autour de ces petites boutiques ambulantes qui se trouvent près du guichet du Carrousel. Ils font le tour des cours jusqu’à la porte du Manége, où se tenait l’Assemblée, et ils n’aperçoivent rien de suspect ; mais, à leur retour, ils sont surpris de ne plus trouver un seul fiacre sur la place. » Ils avaient tous disparu, ce qui leur fit conjecturer que quelques-unes de ces voitures avaient servi aux personnes qui devaient accompagner la fuite de la famille royale.

On voit, par cette agitation sourde de l’esprit public et par la sévérité de l’emprisonnement du roi, combien l’évasion de tant de personnes à la fois était difficile. Cependant, soit par la complicité de quelques gardes nationaux affidés, qui avaient demandé pour ce jour-là les postes intérieurs, et qui fermèrent les yeux aux infractions des consignes, soit par l’habileté des mesures prises de loin par le comte de Fersen, soit enfin que la Providence voulût donner une dernière lueur d’espoir et de salut à ceux qu’elle allait si vite accabler de tant d’infortunes, toute la pru-