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IX

Le comte de Fersen fut le principal confident et presque le seul agent de cette hasardeuse entreprise. Jeune, beau, dévoué, il avait été admis, dans les jours heureux de Marie-Antoinette, aux intimités de Trianon. On dit qu’un culte chevaleresque, auquel le respect seul l’empêchait de donner le nom d’amour, l’avait dès ce temps-là attaché à la reine ; ce culte de la beauté était devenu dans l’âme du Suédois un dévouement passionné au malheur. L’instinct de la reine n’égara point cette princesse quand elle chercha dans sa pensée à quel zèle elle pourrait confier le salut du roi et celui de ses enfants ; elle pensa à M. de Fersen : il partit de Stockholm au premier signe, il vit la reine et le roi, il se chargea de faire préparer la voiture qui devait attendre à Bondy l’auguste famille. Son titre d’étranger couvrait toutes ses démarches ; il les combina avec un bonheur égal à son dévouement. Trois anciens gardes du corps, MM. de Valory, de Moustier et de Maldan, furent mis par lui dans la confidence, et préparés au rôle pour lequel la confiance du roi les avait choisis ; ils devaient se déguiser en domestiques, monter sur le siége des voitures, et protéger la famille royale contre tous les hasards de la route. Ces trois noms obscurs de gentilshommes de province ont effacé ce jour-là les noms de cour. En cas d’arrestation du roi ils prévoyaient leur sort ; mais pour être les sauveurs de leur