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loration et la vibration des langues héroïques de l’Italie. Les ancêtres de Mirabeau parlent de leurs affaires domestiques comme Plutarque des querelles de Marius et de Sylla, de César et de Pompée. On sent de grands hommes dépaysés dans de petites choses. Mirabeau respira cette majesté et cette virilité domestique dès le berceau. J’insiste sur ces détails, qui semblent étrangers au récit et qui l’expliquent. La source du génie est souvent dans la race, et la famille est quelquefois la prophétie de la destinée.


III

L’éducation de Mirabeau fut rude et froide comme la main de son père, qu’on appelait l’ami des hommes, mais que son esprit inquiet et sa vanité égoïste rendirent le persécuteur de sa femme et le tyran de ses enfants. Pour toute vertu, on ne lui enseigna que l’honneur. C’est ainsi qu’on appelait cette vertu qui n’était souvent alors que l’extérieur de la probité et l’élégance du vice. Entré de bonne heure au service, il ne prit des mœurs militaires que le goût du libertinage et du jeu. La main de son père l’atteignait partout, non pour le relever, mais pour l’écraser davantage sous les conséquences de ses fautes. Sa jeunesse se passe dans les prisons d’État, ses passions s’y enveniment dans la solitude, son génie s’y aiguise contre les fers de ses cachots, son âme y perd la pudeur qui survit rarement à l’infamie de ces châtiments précoces. Retiré de prison, pour