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M. de Mirabeau et par l’intermédiaire du comte de Lamarck, seigneur étranger, ami et confident de Mirabeau : « Quoique ces gens-là ne soient guère estimables, disait le roi dans sa lettre, et que j’aie payé Mirabeau très-cher, je crois qu’il peut me rendre service. Écoutez sans trop vous livrer. » Le comte de Lamarck arriva en effet à Metz bientôt après. Il parla à M. de Bouillé de l’objet de sa mission. Il lui avoua que le roi avait donné récemment 600,000 francs à Mirabeau, et qu’il lui payait en outre 50,000 francs par mois. Il lui déroula le plan de sa conspiration contre-révolutionnaire, dont le premier acte devait être une adresse de Paris et des départements pour demander la liberté du roi. Tout reposait, dans ce plan, sur la puissance de la parole de Mirabeau. Enivré d’éloquence, cet orateur acheté ignorait que les paroles, qui ont tant de force d’agitation, n’en ont aucune d’apaisement. Elles lancent les nations, les baïonnettes seules les arrêtent. M. de Bouillé, homme de guerre, sourit de ces chimères d’homme de tribune. Cependant il ne le découragea pas de ses projets et promit d’y concourir. Il écrivit au roi de couvrir d’or la défection de Mirabeau, « scélérat habile, qui pourrait peut-être réparer par cupidité le mal qu’il avait fait par vengeance ; » et de se défier de La Fayette, « enthousiaste chimérique, ivre de faveur populaire, capable peut-être d’être un chef de parti, incapable d’être le soutien d’une monarchie. »