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qu’à des citoyens, redoutait ce rival qui commandait à des bataillons ; il observait et caressait M. de Bouillé. Il lui proposait sans cesse une coalition de baïonnettes dont ils seraient les deux chefs, et dont le concert assurerait à la fois la révolution et la monarchie.

M. de Bouillé, qui suspectait le royalisme de La Fayette, lui répondait avec une politesse froide et ironique qui déguisait mal ses soupçons. Ces deux caractères étaient incompatibles : l’un représentait le jeune patriotisme, l’autre l’antique honneur. Ils ne pouvaient pas s’unir.

Le marquis de Bouillé avait sous son commandement les troupes de la Lorraine, de l’Alsace, de la Franche-Comté et de la Champagne ; ce commandement s’étendait de la Suisse à la Sambre. Il ne comptait pas moins de quatre vingt-dix bataillons et de cent quatre escadrons sous ses ordres. Sur ce nombre, le général ne pouvait avoir confiance que dans vingt bataillons de troupes allemandes et dans quelques régiments de cavalerie : le reste était révolutionné, et l’esprit des clubs y avait soufflé l’insubordination et le mépris des ordres du roi ; les régiments obéissaient plus aux municipalités qu’aux généraux.


V

Dès le mois de février 1791, le roi, qui se fiait entièrement à M. de Bouillé, avait écrit à ce général qu’il lui ferait faire incessamment des ouvertures, de concert avec