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huit mois ; elles n’eurent pour confidents que la reine, Madame Élisabeth, quelques serviteurs fidèles dans l’enceinte du palais, et au dehors le marquis de Bouillé.


IV

Le marquis de Bouillé, cousin de M. de La Fayette, était le caractère le plus opposé à celui du héros de Paris. Guerrier mâle et sévère, attaché à la monarchie par principe, au roi par dévouement religieux, le respect pour les ordres de ce prince l’avait empêché d’émigrer ; il était du petit nombre des officiers généraux aimés des troupes qui étaient restés à leur poste, au milieu des orages de ces deux années, et qui, sans prendre parti pour ou contre les innovations, avaient tenté de conserver à leur pays la dernière force qui survive à toutes les autres et qui quelquefois les supplée seule : la discipline de l’armée. Il avait servi avec beaucoup d’éclat en Amérique, dans nos colonies, dans les Indes ; l’autorité de son caractère et de son nom sur les soldats n’était pas brisée. La répression héroïque de la fameuse insurrection des troupes à Nancy, au mois d’août précédent, avait retrempé cette autorité dans ses mains ; seul de tous les généraux français, il avait reconquis le commandement et fait reculer l’insubordination. L’Assemblée, que la sédition militaire inquiétait au milieu de ses triomphes, lui avait voté des remercîments, comme au sauveur du royaume. La Fayette, qui ne commandait