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périls présents, et que la terreur qui assiégeait jour et nuit le château des Tuileries fût entrée jusque dans l’âme du roi et de la reine.

Les menaces atroces qui les assaillaient dès qu’ils se montraient aux fenêtres de leur demeure, les outrages des journalistes, les vociférations des Jacobins, les émeutes et les assassinats qui se multipliaient dans la capitale et dans les provinces, les obstacles violents qu’on avait mis à leur départ pour Saint-Cloud, le souvenir enfin des poignards qui avaient percé le lit même de la reine aux 5 et 6 octobre, tout faisait de leur vie une transe continuelle. Ils commençaient à croire que la Révolution insatiable s’irritait par les concessions mêmes qu’ils lui avaient faites ; que l’aveugle fureur des factions, qui ne s’était pas arrêtée devant la majesté royale entourée de ses gardes, ne s’arrêterait pas devant l’inviolabilité illusoire décrétée par une constitution ; et que leur vie, celle de leurs enfants et de ce qui restait de la famille royale, n’avaient plus de sûreté à trouver que dans la fuite.

La fuite fut résolue ; souvent elle avait été débattue avant l’époque où le roi s’y décida. Mirabeau lui-même, acheté par la cour, l’avait proposée dans ses mystérieuses entrevues avec la reine. Un de ses plans présentés au roi consistait à s’évader de Paris, à se réfugier au milieu d’un camp ou dans une ville frontière, et à traiter de là avec l’Assemblée intimidée. Mirabeau, resté à Paris et ressaisissant l’esprit public, aurait amené, disait-il, les choses à un accommodement et à une restauration volontaire de l’autorité royale. Mirabeau avait emporté ses espérances dans la tombe. Le roi même, dans sa correspondance secrète, témoigne de sa répugnance à remettre son sort entre les