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du dehors violence à ses volontés et interprétaient arbitrairement son silence. Ce jeune prince allait, de cour en cour, solliciter au nom de son frère la coalition des puissances monarchiques contre une doctrine qui menaçait déjà tous les trônes. Accueilli à Florence par l’empereur d’Autriche, Léopold, frère de la reine, il en avait obtenu quelques jours après, à Mantoue, la promesse d’un contingent de trente-cinq mille hommes. Le roi de Prusse, l’Espagne, le roi de Sardaigne, Naples et la Suisse, garantissaient des forces proportionnées. Louis XVI tantôt saisissait cette espérance d’une intervention européenne comme un moyen d’intimider l’Assemblée et de la ramener à une conciliation avec lui, tantôt il la repoussait comme un crime. L’état de son esprit, à cet égard, dépendait de l’état du royaume ; son âme suivait le flux et le reflux des événements intérieurs. Un bon décret, une réconciliation cordiale avec l’Assemblée, un applaudissement du peuple, venaient-ils consoler sa tristesse, il se reprenait à l’espérance et écrivait à ses agents de dissoudre les rassemblements hostiles de Coblentz. Une émeute nouvelle assiégeait-elle le palais, l’Assemblée avilissait-elle l’autorité royale par quelque abaissement ou par quelque outrage, il recommençait à désespérer de la constitution et à se prémunir contre elle. L’incohérence de ses pensées était plutôt le crime de sa situation que le sien ; mais elle compromettait à la fois sa cause dedans et dehors. Toute pensée qui n’est pas une se détruit elle-même. La pensée du roi, quoique droite au fond, était trop vacillante pour ne pas varier avec les événements ; or les événements n’avaient qu’une direction : la destruction de la monarchie.