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peuple ; la reine ne songeait pas à vendre à la maison d’Autriche la couronne de son mari et de son fils. Si la constitution qui s’achevait eût pu donner l’ordre au pays et la sécurité au trône, aucun sacrifice de pouvoir n’eût coûté à Louis XVI. Jamais prince ne trouva mieux, dans son caractère, les conditions de sa modération ; la résignation passive, qui est le rôle des souverains constitutionnels, était sa vertu. Il n’aspirait ni à reconquérir ni à se venger. Tout ce qu’il désirait, c’était que sa sincérité fût appréciée enfin par son peuple, que l’ordre se rétablit au dedans, que la paix se maintînt au dehors, et que l’Assemblée, revenant sur les empiétements qu’elle avait accomplis contre le pouvoir exécutif, revisât la constitution, en reconnût les vices, et restituât à la royauté le pouvoir indispensable pour faire le bien du royaume.

La reine elle-même, bien que d’une âme plus forte et plus absolue, était vaincue par la nécessité, et s’associait aux intentions du roi ; mais le roi, qui n’avait pas deux volontés, avait cependant deux ministères et deux politiques : une en France avec ses ministres constitutionnels, une au dehors avec ses frères et avec ses agents auprès des puissances. Le baron de Breteuil et M. de Calonne, rivaux d’intrigue, parlaient et traitaient en son nom. Le roi les désavouait, quelquefois sincèrement, quelquefois sans sincérité, dans ses lettres officielles aux ambassadeurs : ce n’était pas hypocrisie, c’était faiblesse ; un roi captif n’est-il pas excusable de parler tout haut à ses geôliers et tout bas à ses amis ? Ces deux langages, ne concordant pas toujours, donnaient à Louis XVI l’apparence de la déloyauté et de la trahison. Il ne trahissait pas, il hésitait.

Ses frères, et principalement le comte d’Artois, faisaient