Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Révolutions de Paris, qui ait jamais déshonoré l’espèce humaine. » Marat semblait avoir absorbé en lui toutes les haines qui fermentent dans une société en décomposition ; il s’était fait l’expression permanente de la colère du peuple. En la feignant, il l’entretenait ; il écrivait avec de la bile et du sang. Il s’était fait cynique pour pénétrer plus bas dans les masses. Il avait inventé le langage des forcenés. Comme le premier Brutus, il contrefaisait le fou, mais ce n’était pas pour sauver la patrie, c’était pour la pousser à tous les vertiges et pour la tyranniser par sa propre démence. Tous ces pamphlets, échos des Jacobins ou des Cordeliers, soufflaient chaque jour les inquiétudes, les soupçons, les terreurs au peuple.

« Citoyens, disait-il, veillez autour de ce palais, asile inviolable de tous les complots contre la nation ; une reine perverse y fanatise un roi imbécile, elle y élève les louveteaux de la tyrannie. Des prêtres insermentés y bénissent les armes de l’insurrection contre le peuple. Ils y préparent la Saint-Barthélemy des patriotes. Le génie de l’Autriche s’y cache dans des comités présidés par Antoinette ; on y fait signe aux étrangers, on leur fait passer par des convois secrets l’or et les armes de la France, pour que les tyrans, qui rassemblent leurs armées sur vos frontières, vous trouvent affamés et désarmés. Les émigrés, d’Artois, Condé, y reçoivent le mot d’ordre des vengeances prochaines du despotisme. Une garde étrangère de stipendiés suisses ne suffit pas aux projets liberticides de Capet. Chaque nuit, les bons citoyens qui rôdent autour de ce repaire y voient entrer furtivement d’anciens nobles qui cachent des armes sous leurs habits. Ces chevaliers du poignard, que sont-ils, sinon les assassins enrôlés du peuple ? Que fait donc La