Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eût été désintéressé des choses temporelles, si l’aristocratie eût été juste, si le peuple eût été modéré, si Mirabeau eût été intègre, si La Fayette eût été décidé, si Robespierre eût été humain, la Révolution se serait déroulée, majestueuse et calme comme une pensée divine, sur la France et de là sur l’Europe ; elle se serait installée comme une philosophie dans les faits, dans les lois, dans les cultes.

Il devait en être autrement. La pensée la plus sainte, la plus juste et la plus pieuse, quand elle passe par l’imparfaite humanité, n’en sort qu’en lambeaux et en sang. Ceux mêmes qui l’ont conçue ne la reconnaissent plus et la désavouent. Mais il n’est pas donné au crime lui-même de dégrader la vérité ; elle survit à tout, même à ses victimes. Le sang qui souille les hommes ne tache pas l’idée, et, malgré les égoïsmes qui l’avilissent, les lâchetés qui l’entravent, les forfaits qui la déshonorent, la Révolution souillée se purifie, se reconnaît, triomphe et triomphera.