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DES GIRONDINS


II

Mirabeau venait de mourir. L’instinct du peuple le portait à se presser en foule autour de la maison de son tribun, comme pour demander encore des inspirations à son cercueil ; mais Mirabeau vivant lui-même n’en aurait plus eu à donner. Son génie avait pâli devant celui de la Révolution ; entraîné à un précipice inévitable par le char même qu’il avait lancé, il se cramponnait en vain à la tribune. Les derniers mémoires qu’il adressait au roi, et que l’armoire de fer nous a livrés avec le secret de sa vénalité, témoignent de l’affaissement et du découragement de son intelligence. Ses conseils sont versatiles, incohérents, presque puérils. Tantôt il arrêtera la Révolution avec un grain de sable. Tantôt il place le salut de la monarchie dans une proclamation de la couronne et dans une cérémonie royale propre à populariser le roi. Tantôt il veut acheter les applaudissements des tribunes et croit que la nation lui sera vendue avec eux. La petitesse des moyens de salut contraste avec l’immensité croissante des périls. Le désordre est dans ses idées. On sent qu’il a eu la main forcée par les passions qu’il a soulevées, et que, ne pouvant plus les diriger, il les trahit, mais sans pouvoir les perdre. Ce grand agitateur n’est plus qu’un courtisan effrayé qui se réfugie sous le trône, et qui, balbutiant encore les mots terribles de nation et de liberté, qui sont dans son rôle, a