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il défendait une constitution monarchique et un trône. Ses principes et ses actes étaient en apparente contradiction ; il était droit et il paraissait trahir. Pendant qu’il combattait à regret par devoir pour la monarchie, il avait son cœur dans la république. Protecteur du trône, il en était en même temps l’effroi. Il ne faut qu’une cause à une vie. La monarchie et la république gardent à sa mémoire la même estime et les mêmes ressentiments ; il les a servies et desservies toutes les deux. Il est mort sans avoir vu triompher une des deux causes ; mais il est mort vertueux et populaire. Il eut, outre ses vertus privées, une vertu publique qui lui vaudra le pardon de ses fautes et l’immortalité de son nom : il eut avant tous, plus que tous, et après tous, le sentiment, la constance et la modération de la Révolution.

Tel était l’homme et telle était l’armée sur lesquels reposaient le pouvoir exécutif, la sécurité de Paris, le trône constitutionnel et la vie du roi.


XXIII

Ainsi se dessinaient, le 1er juin 1794, les partis, les hommes et les choses au milieu desquels s’avançait, par une impulsion occulte et continue, l’esprit irrésistible d’une grande rénovation sociale. Que pouvait-il sortir alors de tels éléments, si ce n’est la lutte, l’anarchie, le crime et la mort ? Aucun parti n’avait la raison, aucun esprit n’avait le