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XX

Cette opinion publique, ainsi organisée en association permanente sur tous les points de l’empire, donnait un coup électrique auquel rien ne pouvait résister. Une motion faite à Paris était répercutée, de club en club, jusqu’aux extrémités des provinces. Une même étincelle allumait, à la même heure, la même passion dans des millions d’âmes. Toutes les sociétés correspondaient entre elles et avec la société mère. L’impulsion était communiquée, et le contre-coup ressenti tous les jours. C’était le gouvernement des factions enlaçant de ses réseaux le gouvernement de la loi ; mais la loi était muette et invisible, la faction éloquente et debout.

Qu’on se figure une de ces séances où les citoyens, agités déjà par l’air orageux de l’époque, venaient prendre place, à la nuit tombante, dans une de ces nefs récemment arrachées au culte. Quelques chandelles apportées par les affiliés éclairaient imparfaitement la sombre enceinte ; des murs nus, des bancs de bois, une tribune à la place de l’autel. Autour de cette tribune, quelques orateurs chéris du peuple se pressaient pour obtenir la parole. Une foule de citoyens de toutes les classes, de tous les costumes, riches, pauvres, soldats, ouvriers ; des femmes qui apportent la passion, l’enthousiasme, l’attendrissement, les larmes partout où elles entrent ; des enfants