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HISTOIRE

nœud de la Révolution française, sont tranchées du même coup que les destinées de leur pays.

Cette histoire pleine de sang et de larmes est pleine aussi d’enseignements pour les peuples. Jamais peut-être autant de tragiques événements ne furent pressés dans un espace de temps aussi court ; jamais non plus cette corrélation mystérieuse qui existe entre les actes et leurs conséquences ne se déroula avec plus de rapidité. Jamais les faiblesses n’engendrèrent plus vite les fautes, les fautes les crimes, les crimes le châtiment. Cette justice rémunératoire, que Dieu a placée dans nos actes mêmes comme une conscience plus sainte que la fatalité des anciens, ne se manifesta jamais avec plus d’évidence ; jamais la loi morale ne se rendit à elle-même un plus éclatant témoignage et ne se vengea plus impitoyablement. En sorte que le simple récit de ces deux années est le plus lumineux commentaire de toute une grande révolution, et que le sang répandu à flots n’y crie pas seulement terreur et pitié, mais leçon et exemple aux hommes. C’est dans cet esprit que je veux les raconter.

L’impartialité de l’histoire n’est pas celle du miroir qui reflète seulement les objets, c’est celle du juge qui voit, qui écoute, et qui prononce. Des annales ne sont pas de l’histoire : pour qu’elle mérite ce nom, il lui faut une conscience ; car elle devient plus tard celle du genre humain. Le récit vivifié par l’imagination, réfléchi et jugé par la sagesse, voilà l’histoire telle que les anciens l’entendaient, et telle que je voudrais moi-même, si Dieu daignait guider ma plume, en laisser un fragment à mon pays.