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teauvieux sont des assassins. Pas de milieu. Or, en quoi l’honneur de Paris est-il intéressé à fêter les meurtriers de nos frères ? D’autres profonds politiques disent : « Cette fête humiliera ceux qui ont voulu donner des fers à la nation. » Quoi ! pour humilier selon eux un mauvais gouvernement, il faut inventer des extravagances capables de détruire toute espèce de gouvernement ! récompenser la rébellion contre les lois ! couronner des satellites étrangers pour avoir fusillé dans une émeute des citoyens français ! On dit que, dans toutes les places où passera cette pompe, les statues seront voilées ! Ah ! on fera bien, si cette odieuse orgie a lieu, de voiler la ville ; mais ce ne sera pas les images des despotes qu’il faudra couvrir d’un crêpe funèbre, ce sera le visage des hommes de bien ! C’est à toute la jeunesse du royaume, à toutes les gardes nationales du royaume de prendre le deuil le jour où l’assassinat de leurs frères devient parmi nous un titre de gloire pour des soldats séditieux et étrangers ! C’est à l’armée qu’il faut voiler les yeux pour qu’ils ne voient pas quel prix obtiennent l’indiscipline et la révolte ! C’est à l’Assemblée nationale, c’est au roi, c’est à tous les administrateurs, c’est à la patrie entière de s’envelopper la tête pour n’être pas de complaisants ou de silencieux témoins d’un outrage fait à toutes les autorités et à la patrie tout entière ! C’est le livre de la loi qu’il faut couvrir, lorsque ceux qui en ont déchiré et ensanglanté les pages à coups de fusil reçoivent les honneurs civiques ! Citoyens de Paris, hommes honnêtes mais faibles, il n’est pas un de vous qui, interrogeant son âme et son bon sens, ne sente combien la patrie, combien lui-même, son fils, son frère, sont insultés par ces outrages faits aux lois, à ceux qui les exécutent et à ceux qui meurent pour elles.