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ciers, et donné leur sang au peuple au lieu de le rendre au despotisme ! »

Pastoret, membre important du parti modéré et qui passait pour concerter ses actes avec le roi, appuya Guadet, pour populariser le prince par un acte agréable au peuple, et la délivrance des soldats de Châteauvieux fut votée par l’Assemblée. Le roi ayant fait attendre quelque temps sa sanction pour ne point blesser les Cantons par cette usurpation violente de leurs droits sur leurs nationaux, les Jacobins retentirent de nouvelles imprécations contre la cour et contre les ministres. « Le moment est venu où il faut qu’un homme périsse pour le salut de tous, s’écria Manuel, et cet homme doit être un ministre ! Ils me paraissent tous si coupables, que je crois fermement que l’Assemblée nationale serait innocente en les faisant tirer au sort pour envoyer l’un d’eux à l’échafaud. — Tous, tous ! » vociférèrent les tribunes.

Mais à ce moment même Collot-d’Herbois monta à la tribune et annonça, au bruit des acclamations, que la sanction au décret de leur délivrance avait été signée la veille, et qu’avant peu de jours il présenterait à ses frères ces victimes de la discipline.

En effet, les soldats de Châteauvieux sortis des galères de Brest s’avançaient vers Paris. Leur marche était un triomphe. Paris, par les soins des Jacobins, leur en préparait un plus éclatant. En vain les Feuillants et les constitutionnels protestaient-ils avec énergie, par la bouche d’André Chénier, le Tyrtée de la modération et du bon sens, de Dupont de Nemours et du poëte Roucher, contre l’insolente ovation des assassins du généreux Désilles ; Collot-d’Herbois, Robespierre, les Jacobins, les Cordeliers,