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ville, il avait fait mettre bas les armes aux séditieux. Ce rétablissement vigoureux de l’ordre, applaudi alors de tous les partis, avait couvert de gloire le général, et les soldats de honte. La Suisse, par ses capitulations avec la France, conservait sa justice fédérale sur les régiments de sa nation. Ce pays essentiellement militaire avait fait juger militairement le régiment de Châteauvieux. Vingt-quatre des soldats les plus coupables avaient été condamnés à mort et exécutés en expiation du sang versé par eux et de la fidélité violée. Les autres avaient été décimés. Quarante et un d’entre eux subissaient leur peine aux galères de Brest. L’amnistie, promulguée par le roi pour les crimes commis pendant les troubles civils au moment de l’acceptation de la constitution, ne pouvait être appliquée de droit à ces soldats étrangers. Le droit de grâce n’appartient qu’à celui qui a le droit de punir. Punis en vertu d’un jugement rendu par la juridiction helvétique, ni le roi ni l’Assemblée ne pouvaient infirmer ce jugement et en annuler les effets. Le roi, à la prière de l’Assemblée constituante, avait en vain négocié auprès de la confédération suisse pour obtenir la grâce de ses soldats.

Ces négociations infructueuses servirent de texte d’accusation aux Jacobins et à l’Assemblée nationale contre M. de Montmorin. En vain il se justifia en alléguant l’impossibilité d’obtenir une telle amnistie de la Suisse au moment où ce pays, agité lui-même par contre-coup, s’occupait à rétablir la subordination par des lois draconiennes. « Nous serons donc les geôliers obligés de ce peuple féroce ! s’écriaient Guadet et Collot-d’Herbois. La France s’avilira donc jusqu’à punir dans ses propres ports les héros mêmes qui ont fait triompher le peuple de l’aristocratie des offi-