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la liberté de leur conscience à la liberté du citoyen. À tous ces titres, les nouvelles institutions étaient odieuses : les prêtres fidèles nourrissaient cette haine et la sanctifiaient dans le cœur des paysans ; les nobles y entretenaient un royalisme que la pitié pour les malheurs du roi et de la famille royale attendrissait au récit quotidien de nouveaux outrages.

Mende, petite ville cachée au fond de vallées profondes, à égale distance des plaines du Midi et des plaines du Lyonnais, était le foyer de l’esprit contre-révolutionnaire. La bourgeoisie et la noblesse, confondues en une seule caste par la modicité des fortunes, par la familiarité des mœurs et par des unions fréquentes entre les familles, n’y nourrissaient pas l’une contre l’autre ces envies et ces haines intestines qui favorisaient ailleurs la Révolution. Il n’y avait ni orgueil dans les uns, ni jalousie dans les autres ; c’était, comme en Espagne, un seul peuple où la noblesse n’est, pour ainsi dire, qu’un droit d’aînesse dans le même sang. Ces populations avaient, il est vrai, déposé les armes après l’insurrection de l’année précédente au camp de Jalès. Mais les cœurs étaient loin d’être désarmés. Ces provinces épiaient d’un œil attentif l’heure favorable pour se lever en masse contre Paris : les insultes faites à la dignité du roi et les violences faites à la religion par l’Assemblée législative portaient ces dispositions jusqu’au fanatisme. Elles éclatèrent une seconde fois, comme involontairement, à l’occasion d’un mouvement de troupes qui traversaient leurs vallées. La cocarde tricolore, signe d’infidélité au roi et à Dieu, avait entièrement disparu depuis quelques mois dans la ville de Mende ; on y arborait avec affectation la cocarde blanche, comme un souvenir et une