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liberté ; mais la liberté, pour lui, c’était la vertu. La nature l’avait doué pour ce double rôle. Il y avait dans ses traits du grand prêtre et du héros. Son extérieur prévenait et ravissait la foule. Sa taille était élevée et souple, son buste superbe, sa figure ovale, ses yeux noirs ; ses cheveux d’un brun foncé relevaient la pâleur de son front. Son attitude imposante quoique modeste attirait, dès le premier regard, la faveur et le respect. Sa voix claire, émue et sonore, son geste majestueux, ses expressions un peu mystiques, commandaient le recueillement autant que l’admiration de son auditoire. Également propre à la tribune populaire ou à la chaire sacrée, les assemblées électorales ou les cathédrales étaient trop étroites pour le peuple qui affluait pour l’entendre. On se figurait, en le voyant, un saint Bernard révolutionnaire prêchant la charité politique ou la croisade de la raison.

Ses mœurs n’étaient ni sévères ni hypocrites. Il avouait lui-même qu’il aimait une femme d’une affection légitime et pure, madame Caron, qui le suivait partout, même dans les églises et dans les clubs. « On m’a calomnié pour cette femme, dit-il ailleurs ; je m’y suis attaché davantage, et j’ai été pur. Vous avez vu cette femme plus belle encore que sa physionomie, et qui, depuis dix ans que je la connais, me semble toujours plus digne d’être aimée. Elle donnerait sa vie pour moi, je donnerais ma vie pour elle ; mais je ne lui sacrifierais pas mon devoir. Malgré les libelles atroces des aristocrates, j’irai, tous les jours, aux heures de repas, goûter les charmes de la plus pure amitié auprès d’elle. Elle vient m’entendre prêcher ! Oui, sans doute, personne ne sait mieux qu’elle avec quelle foi sincère je crois aux vérités de la religion que je professe. Elle vient