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du front, des yeux, de la bouche, de tous les muscles de la face. On voyait en l’observant que tous les traits de son visage, comme tout le travail de son âme, convergeaient sans distraction sur un seul point, avec une telle puissance qu’il n’y avait aucune déperdition de volonté dans ce caractère, et qu’il semblait voir d’avance ce qu’il voulait accomplir, comme s’il l’eût eu déjà en réalité sous les yeux.

Tel était alors l’homme qui devait absorber en lui tous ces hommes, et en faire ses victimes après en avoir fait ses instruments. Il n’était d’aucun parti, mais de tous les partis qui servaient tour à tour son idéal de la Révolution. C’était là sa force, car les partis s’arrêtaient, lui ne s’arrêtait pas. Il plaçait cet idéal comme un but en avant de chaque mouvement révolutionnaire ; il marchait avec ceux qui voulaient l’atteindre ; puis quand le but était dépassé, il se plaçait plus loin et y marchait encore avec d’autres hommes, en continuant ainsi, sans jamais s’arrêter, sans jamais reculer. La Révolution, décimée dans sa route, devait inévitablement se résumer un jour dans une dernière expression. Il voulait que ce fût lui. Il se l’était incorporée tout entière, principes, pensées, passions, colères, et la forçait ainsi de s’incorporer un jour en lui. Ce jour était loin.


XVIII

Robespierre, qui avait souvent combattu Mirabeau avec Duport, les Lameth et Barnave, commençait à se séparer