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fierté, renoncez à l’espoir de m’arracher un seul nom de mes complices. Mes complices, ils sont partout où un cœur d’homme se soulève contre les oppresseurs de l’homme. » De ce moment, il ne prononça plus que deux mots qui résonnaient comme un remords à l’oreille de ses persécuteurs : Liberté, égalité. Il marcha serein au lieu de son supplice. Il entendit avec indignation la sentence qui le condamnait à la mort lente et infâme des plus vils scélérats. « Eh quoi, s’écria-t-il, vous me confondez avec les criminels, parce que j’ai voulu restituer à mes semblables ces droits et ce titre d’homme que je sens en moi ! Eh bien ! voilà mon sang ! mais il en sortira un vengeur ! » Il périt sur la roue, et son corps mutilé fut laissé sur les bords d’un chemin. Cette mort héroïque retentit jusque dans l’Assemblée nationale et souleva des sentiments divers. « Elle est méritée, dit Malouet ; Ogé est un criminel et un assassin. — Si Ogé est coupable, lui répondit Grégoire, nous le sommes tous ; si celui qui a réclamé la liberté pour ses frères périt justement sur l’échafaud, il faut y faire monter tous les Français qui nous ressemblent. »


XI

Le sang d’Ogé bouillonnait sourdement dans le cœur de tous les mulâtres. Ils jurèrent de le venger. Les noirs étaient une armée toute prête pour le massacre. Le signal leur fut donné par les hommes de couleur. En une seule