Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand elle est défensive. Robespierre ne croyait pas la France placée dans des conditions de nécessité et de salut suprême qui l’autorisassent à ouvrir cette veine de l’humanité d’où couleraient des fleuves de sang. Convaincu de la toute-puissance des idées nouvelles dont il nourrissait la foi et le fanatisme dans son âme fermée à l’intrigue, il ne craignait pas que quelques princes fugitifs et quelques milliers d’aristocrates émigrés vinssent imposer des lois à une nation dont le premier soupir de liberté avait soulevé le poids du trône, de la noblesse et du clergé. Il ne pensait pas non plus que les puissances de l’Europe désunies et hésitantes, aussi longtemps que nous ne les attaquerions pas, osassent déclarer la guerre à une nation qui proclamait la paix. Dans le cas où les cabinets européens eussent été assez pervers et assez insensés pour tenter cette croisade contre la raison humaine, Robespierre croyait fermement à leur défaite ; car il croyait qu’il y avait une force invincible dans la justice d’une cause, que le droit doublait l’énergie d’un peuple, que le désespoir même valait des armées, et que Dieu et les hommes étaient pour le peuple.

Il pensait de plus que, s’il était du devoir de la France de propager chez les autres peuples les lumières et les bienfaits de la raison et de la liberté, le rayonnement naturel et pacifique de la Révolution française sur le monde serait un moyen de propagation plus infaillible que nos armées ; que la Révolution devait être une doctrine, et non une monarchie universelle réalisée par l’épée ; qu’il ne fallait pas coaliser le patriotisme des nations contre ses dogmes. Leur empire était dans les âmes. La force des idées révolutionnaires, à ses yeux, c’était leur lumière.

Mais il comprit plus : il comprit que la guerre offensive