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La nation jouissait de voir son costume, ses principes et ses passions si bien portés par un aristocrate. L’ardeur de son patriotisme ne laissa pas ralentir ce mouvement qui confondait en lui le roi et le peuple. Il fit des prodiges d’activité dans sa courte administration. Il parcourut et arma les places fortes, créa des armées, harangua les troupes, suspendit l’émigration de la noblesse au nom du péril commun, nomma les généraux, appela La Fayette, Rochambeau, Luckner. Un élan de patriotisme dont il était l’âme saisit la France. En faisant du trône le centre national de cette défense du territoire, il fit aimer un moment le roi lui-même. Les partis se réconcilièrent dans l’enthousiasme de la patrie. Son éloquence sentait le camp. Elle était rapide, brillante, sonore comme le mouvement des armes. L’effusion du cœur en était le caractère. Il ouvrait son âme aux regards de ses adversaires. Cette confiance touchait.

Le premier jour de son avénement au ministère, au lieu d’annoncer, comme les autres ministres, sa nomination par une lettre au président, il alla lui-même à l’Assemblée, demanda la parole. « Je viens vous offrir, dit-il, un profond respect pour le pouvoir populaire dont vous êtes revêtus, un ferme attachement pour la constitution que je jure, un amour courageux pour la liberté et l’égalité ; oui, pour l’égalité, qui ne trouve plus d’adversaire, mais qui ne doit pas avoir, pour cela, des défenseurs moins dévoués. » Deux jours après, il conquit l’Assemblée en parlant sur la responsabilité des ministres. « J’accepte, s’écria-t-il, la définition qu’on vient de faire de la situation des ministres en disant que la responsabilité c’est la mort. Ne nous épargnez aucune menace et aucun péril. Surchargez-nous d’entraves personnelles ; mais donnez-nous les moyens de faire mar-