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la rappelait. Il y eut entre elle et son mari une délibération en apparence impartiale pour décider s’ils s’enseveliraient à la campagne ou s’ils retourneraient à Paris. Mais l’ambition de l’un et l’âme de l’autre avaient prononcé à leur insu et avant eux. Le plus futile prétexte suffit à leur impatience. Au mois de décembre, ils étaient de nouveau installés à Paris.

C’était l’heure de l’avénement de leurs amis. Pétion venait d’être nommé à la mairie et se créait une république dans la commune ; Robespierre, exclu de l’Assemblée législative par la loi qui interdisait la réélection des membres de l’Assemblée constituante, s’élevait une tribune aux Jacobins ; Brissot entrait à la place de Buzot dans la nouvelle Assemblée, et sa renommée de publiciste et d’homme d’État ralliait autour de ses doctrines les jeunes Girondins. Ceux-ci arrivaient de leur département avec l’ardeur de leur âge et l’impulsion d’un second flot révolutionnaire. Ils se jetèrent, en arrivant, dans les cadres que Robespierre, Buzot, Laclos, Danton et Brissot avaient préparés.

Roland, ami de tous ces hommes, mais sur le second plan et caché dans leur ombre, avait une de ces réputations sourdes, d’autant plus puissante sur l’opinion qu’elle éclatait moins au dehors ; on en parlait comme d’une vertu antique, enveloppée dans la simplicité d’un homme des champs. Sous son silence on présumait la pensée ; dans le mystère on pressentait l’oracle. L’éclat et le génie de sa femme attiraient les yeux sur lui ; sa médiocrité même, seule puissance qui ait la vertu de neutraliser l’envie, le servait. Comme personne ne le craignait, tout le monde le mettait en avant : Pétion, pour se couvrir ; Robespierre, pour le miner ; Brissot, pour placer sa mauvaise renommée