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dédain. Robespierre lui parut un honnête homme. En faveur de ses principes, elle lui pardonna son mauvais langage et son fastidieux débit. Robespierre, comme tout homme d’une seule pensée, respirait l’ennui. Cependant elle avait remarqué qu’il était toujours concentré dans ces comités, qu’il ne se livrait pas, qu’il écoutait tous les avis avant d’émettre le sien, et qu’il ne se donnait pas la peine de le motiver. Comme les hommes impérieux, sa conviction lui paraissait une raison suffisante. Le lendemain, il montait à la tribune, et, profitant pour sa renommée des discussions intimes qu’il avait entendues la veille, il devançait l’heure de l’action concertée avec ses amis, et éventait ainsi le plan de conduite. On l’en blâmait chez madame Roland ; il s’en excusait avec légèreté. On attribuait ces torts à la jeunesse et à l’impatience de son amour-propre. Madame Roland, persuadée que ce jeune homme aimait passionnément la liberté, prenait sa réserve pour de la timidité, et ses trahisons pour de l’indépendance. La cause commune couvrait tout. La partialité transforme les plus sinistres indices en faveur ou en indulgence. « Il défend les principes avec chaleur et opiniâtreté, dit-elle ; il y a du courage à les défendre seul au temps où le nombre des défenseurs du peuple est prodigieusement réduit. La cour le hait, nous devons donc l’aimer. J’estime Robespierre sous ce rapport, je le lui témoigne ; et lors même qu’il est peu assidu au petit comité du soir, il vient de temps en temps me demander à dîner. J’avais été frappée de la terreur dont il parut pénétré le jour de la fuite du roi à Varennes. Il dit le soir, chez Pétion, que la famille royale n’avait pas pris ce parti sans avoir préparé dans Paris une Saint-Barthélemy de patriotes, et qu’il s’attendait à mourir avant vingt-quatre