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un secret dédain. L’action s’évaporait en paroles, et l’heure passait emportant avec elle l’occasion, qui ne revient plus.

Bientôt les victoires de l’Assemblée constituante énervèrent les vainqueurs. Les chefs de cette assemblée reculèrent devant leur propre ouvrage, et pactisèrent avec l’aristocratie et avec le trône pour accorder au roi la révision de la constitution dans un esprit plus monarchique. Les députés qui se réunissaient chez madame Roland se dispersèrent et se découragèrent. Il ne resta plus sur la fin que ce petit nombre d’hommes inébranlables qui se dévouent aux principes indépendamment de leur succès, et qui s’attachent aux causes désespérées avec d’autant plus de force que la fortune semble les trahir davantage. Buzot, Pétion et Robespierre furent de ce nombre.


XVII

Il y a pour l’histoire une curiosité sinistre à voir la première impression que fit sur madame Roland l’homme qui, réchauffé dans son sein et conspirant alors avec elle, devait un jour renverser la puissance de ses amis, les immoler en masse, et l’envoyer elle-même à l’échafaud. Nul sentiment répulsif ne paraît à cette époque avertir cette femme qu’elle conspire sa propre mort en conspirant la fortune de Robespierre. Si elle a quelque crainte vague, cette crainte est aussitôt couverte par une pitié qui ressemble presque au