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XVI

L’objet de ces réunions était de conférer secrètement sur les faiblesses de l’Assemblée constituante, sur les piéges que l’aristocratie tendait à la Révolution entravée, et sur la marche à imprimer aux opinions attiédies pour achever de consolider le triomphe. Ils choisirent la maison de madame Roland, parce que cette maison était située dans un quartier également rapproché du logement de tous les membres qui devaient s’y rencontrer. Comme dans la conspiration d’Harmodius, c’était une femme qui tenait le flambeau pour éclairer les conspirateurs.

Madame Roland se trouvait ainsi jetée, dès les premiers jours, au centre des mouvements. Sa main invisible touchait les premiers fils de la trame encore confuse qui devait dérouler les plus grands événements. Ce rôle, le seul que lui permît son sexe, flattait à la fois son orgueil de femme et sa passion politique. Elle le ménagea avec cette modestie qui eût été en elle le chef-d’œuvre de l’habileté, si elle n’eût été le don de sa nature. Placée hors du cercle, près d’une table à ouvrage, elle travaillait des mains, ou écrivait ses lettres, tout en écoutant avec une apparente indifférence les discussions de ses amis. Souvent tentée d’y prendre part, elle se mordait les lèvres pour réprimer sa pensée. Âme d’énergie et d’action, la longueur et la diffusion verbeuse de ces conseils sans résultat lui inspiraient