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tres. Heureuse et aimée, elle n’eût été qu’une femme ; malheureuse et isolée, elle devint un chef de parti.


XIV

Les opinions de M. et de madame Roland soulevèrent contre eux, dans le premier moment, toute l’aristocratie commerciale de Lyon, ville probe et pure, mais ville d’argent où tout se calcule, et où les idées ont la pesanteur et l’immobilité des intérêts. Les idées ont un courant irrésistible qui entraîne même les populations les plus stagnantes. Lyon fut entraîné et submergé par les opinions de l’époque. M. Roland fut porté à la municipalité par les premières élections. Il s’y prononça avec la roideur de ses principes et avec l’énergie qu’il puisait dans l’âme de sa femme. Redouté des timides, adoré des impatients, son nom devint une injure, puis un drapeau ; la faveur publique le vengea des outrages des riches. Il fut député à Paris par le conseil municipal, pour y défendre les intérêts commerciaux de Lyon auprès des comités de l’Assemblée constituante.

Les liaisons de Roland avec les philosophes et avec les économistes, qui formaient le parti pratique de la philosophie ; ses rapports obligés avec les membres influents de l’Assemblée ; ses goûts littéraires et surtout l’attrait et la séduction naturelle qui attirent et retiennent les hommes éminents autour d’une femme belle, éloquente et passionnée, firent bientôt du salon de madame Roland un foyer,