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merce inquiet et tracassier dans la vie domestique. Madame Roland, encore dans toute la fleur de sa beauté et de son génie, se trouvait ainsi reléguée et froissée entre une belle-mère implacable, un beau-frère insoumis et un mari dominateur. L’amour le plus passionné eût à peine suffi à compenser une si âpre situation. Elle n’avait pour l’adoucir que le sentiment de ses devoirs, le travail, sa philosophie et son enfant. Elle y suffit, et finit par transformer cette retraite austère en un séjour d’harmonie et de paix. On aime à la suivre dans cette solitude où son âme se trempait pour la lutte, comme on va chercher aux Charmettes la source encore fraîche de la vie et du génie de Jean-Jacques Rousseau.


XII

Il y a au pied des montagnes du Beaujolais, dans le large bassin de la Saône, en face des Alpes, une série de petites collines amoncelées comme des vagues de sable, que le vigneron patient de ces contrées a plantées de vignes, et qui forment entre elles, à leur base, d’obliques vallées, des ravins étroits et sinueux où s’étendent de petits prés verts. Ces prés ont chacun leur filet d’eau suintant des montagnes ; les saules, les bouleaux et les peupliers en tracent le cours et en voilent le lit. Les flancs et les sommets de ces collines ne portent, au-dessus des vignes basses, que quelques pêchers sauvages, qui ne donnent pas d’ombre au raisin, et