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Maury l’habit de son ordre, il eût changé de côté sans effort et siégé parmi les novateurs. De semblables orateurs ornent un parti, mais ils ne le sauvent pas.


XVI

Cazalès était un de ces hommes qui s’ignorent eux-mêmes, jusqu’à l’heure où les circonstances leur révèlent un génie, en leur assignant un devoir. Officier obscur dans les rangs de l’armée, le hasard qui le jeta à la tribune lui découvrit qu’il était orateur. Il ne chercha pas quelle cause il défendrait : noble, la noblesse ; royaliste, le roi ; sujet, le trône. Sa situation fit sa doctrine. Il porta dans l’Assemblée le caractère et les vertus de son uniforme. La parole ne fut pour lui qu’une épée de plus ; il la voua avec un dévouement chevaleresque à la cause de la monarchie. Paresseux, peu instruit, son rapide bon sens suppléa l’étude. Sa foi monarchique ne fut point le fanatisme du passé : elle admettait les modifications admises par le roi lui-même, et compatibles avec l’inviolabilité du trône et l’action du pouvoir exécutif. De Mirabeau à lui il n’y avait pas loin dans le dogme ; mais l’un voulait la liberté en aristocrate, l’autre la voulait en démocrate. L’un s’était jeté au milieu du peuple, l’autre s’attachait aux marches du trône. Le caractère de l’éloquence de Cazalès était celui d’une cause désespérée. Il protestait plus qu’il ne discutait, il opposait aux triomphes violents du côté gauche