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tolérance, elle la livrait avec confiance à sa raison, et ne voulait ni comprimer ni tarir la séve qui devait plus tard porter son fruit dans ce cœur. Une religion servile et non volontaire lui paraissait une dégradation et un esclavage que Dieu ne pouvait accepter comme un tribut digne de lui. L’âme pensive de sa fille se portait naturellement vers ces grands objets du bonheur et du malheur éternel ; elle dut plonger plus jeune et plus profondément qu’une autre dans l’infini. Le règne du sentiment s’ouvrit en elle par l’amour de Dieu. Le sublime délire de ses contemplations pieuses embellit les premières années de son adolescence, résigna les autres à la philosophie, et semblait devoir la préserver à jamais des orages des passions. Sa dévotion fut ardente ; elle prit les teintes de son âme, aspira au cloître et rêva le martyre. Entrée au couvent, elle s’y trouva un moment heureuse, donnant sa pensée au mysticisme et son cœur à de premières amitiés. La régularité monotone de cette vie endormait doucement l’activité de ses méditations. Aux heures de liberté, elle ne jouait pas avec ses compagnes ; elle se retirait sous quelque arbre pour lire et rêver. Sensible, comme Rousseau, à la beauté du feuillage, au bruissement de l’herbe, au parfum des plantes, elle admirait la main de Dieu et la baisait dans ses œuvres. Débordant de reconnaissance et de joie intérieure, elle allait l’adorer à l’église. Là, les sons majestueux de l’orgue s’associant à la voix des jeunes religieuses achevaient de la ravir en extase. La religion catholique a toutes les fascinations mystiques pour les sens, et les voluptés pour l’imagination. Une novice prit le voile pendant ce séjour au couvent. Sa présentation à la grille, son voile blanc, sa couronne de roses, les chants suaves et calmes qui la con-