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faisait partie. L’un, c’était Maury, façonné de bonne heure aux luttes de la polémique sacrée, avait aiguisé et poli dans la chaire l’éloquence qu’il devait porter à la tribune. Sorti des derniers rangs du peuple, il ne tenait à l’ancien régime que par son habit ; il défendait la religion et la monarchie, comme deux textes qu’on avait imposés à ses discours. Sa conviction n’était qu’un rôle : tout autre rôle eût aussi bien convenu à sa nature. Mais il soutenait avec un admirable courage et un beau caractère celui que sa situation lui faisait. Nourri d’études sérieuses, doué d’une élocution abondante, vive et colorée, ses harangues étaient des traités complets sur les matières qu’il discutait. Seul rival de Mirabeau, il ne lui manquait pour l’égaler qu’une cause plus nationale et plus vraie ; mais le sophisme des abus de l’ancien régime ne pouvait pas revêtir des couleurs plus spécieuses que celles dont Maury colorait l’ancien régime. L’érudition historique et l’érudition sacrée lui fournissaient ses arguments. La hardiesse de son caractère et de son langage lui inspirait de ces mots qui vengent même d’une défaite. Sa belle figure, sa voix sonore, son geste impérieux, l’insouciance et la gaieté avec lesquelles il bravait les tribunes, arrachaient souvent des applaudissements même à ses ennemis. Le peuple, qui sentait sa force invincible, s’amusait d’une résistance impuissante. Maury était pour lui comme ces gladiateurs qu’on aime à voir combattre, bien qu’on sache qu’ils doivent mourir. Une seule chose manquait à l’abbé Maury : l’autorité morale de la parole. Ni sa naissance, ni sa foi, ni ses mœurs n’inspiraient le respect à ceux qui l’écoutaient. On sentait l’acteur dans l’homme, l’avocat dans la cause ; l’orateur et la parole n’étaient pas un. Ôtez à l’abbé