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l’enfantement d’un ordre nouveau. Elle n’aurait pas échappé aux désordres inévitables dans un pays de premier mouvement, passionné par la grandeur même de ses dangers. Mais elle serait née d’une loi, au lieu d’être née d’une sédition ; d’un droit, au lieu d’une violence ; d’une délibération, au lieu d’une insurrection. Cela seul changeait les conditions sinistres de son existence et de son avenir. Elle devait être remuante ; elle pouvait rester pure.

Voyez combien le seul fait de sa proclamation légale et réfléchie changeait tout. Le 10 août n’avait pas lieu ; les perfidies et la tyrannie de la commune de Paris, le massacre des gardes, l’assaut du palais, la fuite du roi à l’Assemblée, les outrages dont il y fut abreuvé, enfin son emprisonnement au Temple étaient écartés. La République n’aurait pas tué un roi, une reine, un enfant innocent, une princesse vertueuse. Elle n’aurait pas eu les massacres de septembre, ces Saint-Barthélemy du peuple qui tachent à jamais les langes de la liberté. Elle ne se serait pas baptisée dans le sang de trois cent mille victimes. Elle n’aurait pas mis dans la main du tribunal révolutionnaire la hache du peuple, avec laquelle il immola toute une génération pour faire place à une idée. Elle n’aurait pas eu le 31 mai. Les Girondins, arrivés purs au pouvoir, auraient eu bien plus de force pour combattre la démagogie. La République, instituée de sang-froid, aurait bien autrement intimidé l’Europe qu’une émeute légitimée par le meurtre et les assassinats. La guerre pouvait être évitée, ou, si la guerre était inévitable, elle eût été plus unanime et plus triomphante. Nos généraux n’auraient pas été massacrés par leurs soldats aux cris de trahison. L’esprit des peuples aurait combattu avec nous, et l’horreur de nos journées d’août, de septem-