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partie de sa force. Les menacer, c’est se perdre. Il peut les haïr, il ne peut les attaquer.


XI

À de semblables crises la république seule peut suffire. Les nations le sentent et s’y précipitent comme au salut. La volonté publique devient le gouvernement. Elle écarte les timides, elle cherche les audacieux ; elle appelle tout le monde à l’œuvre, elle essaye, elle emploie, elle rejette toutes les forces, tous les dévouements, tous les héroïsmes. C’est la foule au gouvernail. La main la plus prompte ou la plus ferme le saisit, jusqu’à ce qu’un plus hardi le lui arrache. Mais tous gouvernent dans le sens de tous. Considérations privées, timidités de situation, différences de rang, tout disparaît. Il n’y a de responsabilité pour personne. Aujourd’hui au pouvoir, demain en exil ou à l’échafaud. Nul n’a de lendemain ; on est tout au jour. Les résistances sont écrasées par l’irrésistible puissance du mouvement. Tout est faible, tout plie devant le peuple. Les ressentiments des castes abolies, des cultes dépossédés, des propriétés décimées, des abus extirpés, des aristocraties humiliées, se perdent dans le bruit général de l’écroulement des vieilles choses. À qui s’en prendre ? La nation répond de tout à tous. Nul n’a de compte à lui demander. Elle ne se survit pas à elle-même, elle brave les récriminations et les vengeances ; elle est absolue, comme