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ils devaient vouloir ressusciter avec lui. La nation, qui avait le sentiment de cette solidarité fatale entre le roi et la contre-révolution, ne pouvait pas se confier au roi, tout en vénérant l’homme ; elle devait voir en lui le complice de toutes les conjurations contre elle. Les parvenus à la liberté sont susceptibles comme les parvenus à la fortune. Les ombragés devaient surgir, les soupçons devaient produire les injures ; les injures, les ressentiments ; les ressentiments, les factions ; les factions, les chocs et les renversements : les enthousiasmes momentanés du peuple, les concessions sincères du roi n’y pouvaient rien. Des deux côtés les situations étaient fausses.

S’il y eût eu dans l’Assemblée constituante plus d’hommes d’État que de philosophes, elle aurait senti qu’un état intermédiaire était impossible sous la tutelle d’un roi à demi détrôné. On ne remet pas aux vaincus la garde et l’administration des conquêtes. Agir comme elle agit, c’était pousser fatalement le roi ou à la trahison ou à l’échafaud. Un parti absolu est le seul parti sûr dans les grandes crises. Le génie est de savoir prendre ces partis extrêmes à leur minute. Disons-le hardiment, l’histoire à distance le dira un jour comme nous : il vint un moment où l’Assemblée constituante avait le droit de choisir entre la monarchie et la république, et où elle devait choisir la république. Là était le salut de la Révolution et sa légitimité. En manquant de résolution elle manqua de prudence.