Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

double renommée lui profitait également. Les honnêtes gens le portaient comme honnête homme ; les factieux comme factieux : la cour ne daignait pas le craindre ; elle voyait en lui un innocent utopiste ; elle avait pour lui cette indulgence du mépris que les aristocraties ont partout pour les hommes de foi politique ; d’ailleurs Pétion la débarrassait de La Fayette. Changer d’ennemi, pour elle, c’était au moins respirer.

Ces trois éléments de succès firent triompher Pétion à une immense majorité ; il fut nommé maire de Paris par plus de six mille suffrages. La Fayette n’en obtint que trois mille. Il put du fond de sa retraite momentanée mesurer à ce chiffre le déclin de sa fortune : La Fayette représentait la ville, Pétion représentait la nation. La bourgeoisie armée sortait des affaires avec l’un ; le peuple y entrait avec l’autre. La Révolution marquait par un nom propre le nouveau pas qu’elle avait fait.

À peine élu, Pétion alla triompher aux Jacobins : il fut porté à la tribune sur les bras des patriotes. Le vieux Dusaulx, qui l’occupait en ce moment, balbutia quelques paroles entrecoupées de sanglots, en l’honneur de son élève : « Je regarde M. Pétion comme mon fils, s’écria-t-il ; c’est bien hardi, sans doute ! » Pétion attendri s’élança dans les bras du vieillard. Les tribunes applaudirent et pleurèrent.

Les autres nominations furent faites dans le même esprit. Manuel fut nommé procureur de la commune ; Danton substitut : ce fut le premier degré de sa fortune populaire ; il ne le dut pas, comme Pétion, à l’estime publique, mais à sa propre intrigue. Il fut nommé malgré sa réputation. Le peuple excuse trop souvent les vices qui le servent.

La nomination de Pétion à la place de maire de Paris