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ter telle religion qui lui plaira, quand chacun payera le culte qu’il voudra suivre et n’en payera point d’autre, et quand l’impartialité des tribunaux, en pareille matière, punira également les persécuteurs ou les séditieux de tous les cultes… Et les membres de l’Assemblée nationale disent encore que tout le peuple français n’est point encore assez mûr pour cette doctrine. Il faut lui répondre : « Cela se peut ; mais c’est à vous à nous mûrir par vos paroles, par vos actes, par vos lois ! » Les prêtres ne troublent point les États quand on ne s’y occupe pas d’eux. Souvenons-nous que dix-huit siècles ont vu toutes les sectes chrétiennes déchirées et ensanglantées par des inepties théologiques, et les inimitiés sacerdotales finir toujours par s’armer de la puissance publique !… »

Cette lettre passa par-dessus la tête des partis qui se disputaient la conscience du peuple ; mais la pétition du directoire de Paris, qui demandait le veto du roi contre les décrets de l’Assemblée, suscita des pétitions violentes dans un sens contraire. On vit apparaître pour la première fois Legendre, boucher de Paris, à la barre de l’Assemblée. Il y vociféra en langage oratoire les imprécations du peuple contre les ennemis du peuple et les traîtres couronnés. Legendre dorait de grands mots la trivialité. De cet accouplement de sentiments vulgaires avec les ambitieuses expressions de la tribune, naquit cette langue bizarre, où les haillons de la pensée se mêlaient au clinquant des mots, et qui fait ressembler l’éloquence populaire du temps au luxe indigent d’un parvenu. La populace était fière de dérober sa langue à l’aristocratie, même pour la combattre ; mais en la dérobant, elle la souillait. « Représentants, disait Legendre, ordonnez que l’aigle de la Victoire et la Renommée