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pareils dons, j’en mourrais de remords. Le peuple nous regarde et nous juge ; de ce premier décret dépend le sort de nos travaux. Lâches, nous perdons la confiance publique ; fermes, nos ennemis seront déconcertés. Ne souillez pas la sainteté du serment en le déférant à des bouches affamées de notre sang. Nos ennemis jureront d’une main, de l’autre ils aiguiseront leurs épées contre nous ! »

Chaque violence de ces paroles provoquait dans l’Assemblée et dans les tribunes ces contre-coups de la passion publique qui éclatent en battements de mains. On sentait que la seule politique serait désormais la colère de la nation, que le temps de la philosophie à la tribune était passé, et que l’Assemblée ne tarderait pas à écarter les principes pour recourir aux armes !

Les Girondins, qui n’auraient pas voulu lancer Isnard si loin, sentirent qu’il fallait le suivre jusqu’où la popularité le suivait. En vain Condorcet défendit son projet de décret dilatoire. L’Assemblée, sur le rapport de Ducastel, adopta le décret de son comité de législation. Ses principales dispositions portaient que les Français rassemblés au delà des frontières seraient, dès ce moment, déclarés suspects de conjuration contre la France, qu’ils seraient déclarés conspirateurs s’ils ne rentraient avant le 1er janvier 1792, et, comme tels, punis de mort ; que les princes français, frères du roi, seraient punis de mort comme de simples émigrés, s’ils n’obéissaient pas à la sommation qui leur était faite ; que leurs revenus seraient, dès à présent, séquestrés ; qu’enfin les officiers des armées de terre et de mer qui abandonneraient leur poste sans congé ou sans démission acceptée seraient assimilés aux soldats déserteurs, et punis de mort.