Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pables, mais c’est qu’ils sont princes, et, bien que nous ayons détruit la noblesse et les distinctions du sang, ces vains fantômes épouvantent encore nos âmes. Ah ! il est temps que ce grand niveau d’égalité qui a passé sur la France prenne enfin son aplomb ! Ce n’est qu’alors qu’on croira à l’égalité. Craignez de porter par ce spectacle de l’impunité le peuple à des excès. La colère du peuple n’est que trop souvent le supplément au silence des lois. Il faut que la loi entre dans le palais des grands comme dans la chaumière du pauvre, et qu’aussi inexorable que la mort, lorsqu’elle tombe sur les coupables, elle ne distingue ni les rangs ni les titres. On veut vous endormir. Moi, je vous dis que la nation doit veiller sans cesse. Le despotisme et l’aristocratie ne dorment pas, et, si les nations s’endorment un seul instant, elles se réveillent enchaînées. Si le feu du ciel était au pouvoir des hommes, il faudrait en frapper ceux qui attentent à la liberté des peuples. Aussi, jamais les peuples ne pardonnèrent-ils aux conspirateurs contre leur liberté. Quand les Gaulois escaladaient le Capitole, Manlius s’éveille, vole à la brèche, sauve la république ; le même Manlius, accusé plus tard de conspirer contre la liberté publique, comparaît devant les tribuns. Il présente les bracelets, les javelots, douze couronnes civiques, trente dépouilles d’ennemis vaincus et sa poitrine criblée de blessures ; il rappelle qu’il a sauvé Rome : pour toute réponse, il est précipité du même rocher d’où il a précipité les Gaulois ! Voilà, messieurs, un peuple libre !

« Et nous, depuis le jour de la conquête de notre liberté, nous ne cessons de pardonner à nos patriciens leurs complots ; nous ne cessons de récompenser leurs forfaits en leur envoyant des chariots d’or. Quant à moi, si je votais de