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le salut d’un État dans des circonstances difficiles il fallait plus : il fallait le génie du gouvernement ; la reine ne l’avait pas. Rien n’avait pu la préparer au maniement des forces désordonnées qui s’agitaient autour d’elle ; le malheur ne lui avait pas donné le temps de la réflexion. Accueillie avec enivrement par une cour perverse et une nation ardente, elle avait dû croire à l’éternité de ces sentiments. Elle s’était endormie dans les dissipations de Trianon. Elle avait entendu les premiers bouillonnements de la tempête sans croire au danger ; elle s’était fiée à l’amour qu’elle inspirait et qu’elle se sentait dans le cœur. La cour était devenue exigeante, la nation hostile. Instrument des intrigues de la cour sur le cœur du roi, elle avait d’abord favorisé, puis combattu toutes les réformes qui pouvaient prévenir ou ajourner les crises. Sa politique n’était que de l’engouement, son système n’était que son abandon alternatif à tous ceux qui lui promettaient le salut du roi. Le comte d’Artois, prince jeune, chevaleresque dans les formes, avait pris de l’empire sur son esprit. Il se fiait à la noblesse ; il parlait de son épée. Il riait de la crise. Il dédaignait ce bruit de paroles, il cabalait contre les ministres, il flétrissait les transactions. La reine, enivrée d’adulations par cet entourage, poussait le roi à reprendre le lendemain ce qu’il avait concédé la veille. Sa pensée se retrouvait dans toutes les oscillations du gouvernement. Ses appartements étaient le foyer d’une conspiration perpétuelle contre l’esprit nouveau ; la nation finit par s’en apercevoir et par la haïr. Son nom devint pour le peuple le fantôme de la contre-révolution. On est prompt à calomnier ce qu’on craint. On la peignait dans d’odieux pamphlets sous les traits d’une Messaline. Les bruits les