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XIII

Brissot, l’inspirateur de la Gironde, l’homme d’État dogmatique d’un parti qui avait besoin d’idées et de chef, monta à la tribune au milieu des applaudissements anticipés qui signalaient son importance dans la nouvelle Assemblée. Il demanda la guerre comme la plus efficace des lois.

« Si l’on veut parvenir sincèrement à arrêter l’émigration, dit-il, il faut surtout punir les grands coupables qui établissent dans les pays étrangers un foyer de contre-révolution ; il faut distinguer trois classes d’émigrants : les frères du roi, indignes de lui appartenir ; les fonctionnaires publics désertant leurs postes et débauchant les citoyens ; enfin les simples citoyens entraînés par l’imitation, par la faiblesse ou par la peur. Vous devez haine et punition aux premiers, pitié et indulgence aux autres. Comment les citoyens vous craindraient-ils, quand l’impunité de leurs chefs leur assure la leur ? Avez-vous donc deux poids et deux mesures ? Que peuvent penser les émigrants quand ils voient un prince, après avoir prodigué quarante millions en dix ans, recevoir encore de l’Assemblée nationale des millions pour payer son faste et ses dettes ?… Divisez les intérêts des révoltés en effrayant les grands coupables. On n’a cessé d’amuser les patriotes par de vains palliatifs contre l’émigration ; les partisans de la cour se sont joués ainsi de la crédulité du peuple, et vous avez vu Mirabeau, tournant ces lois en dé-